À 11 ans, les vaisseaux-lumière


J’avais onze ans quand mon grand-père paternel est mort. Ma grand-mère m’a alors révélé ce que cet homme, au demeurant très affectueux avec moi, semblait cacher dans la cave de sa maison : un poste à galène, un microscope et une lunette astronomique en laiton et bois vernis ! La découverte de ce trésor a été un véritable déclencheur. Je me suis approprié ces instruments. J’ai compris qu’avec un peu d’imagination et de technique, on pouvait recevoir des émissions radio avec un simple fil électrique en guise de grande antenne, un petit cristal appelé « galène » et deux morceaux d’une pomme de terre séparés par une feuille de papier huilé servant de système d’accord ! Bien entendu, j’ai mis sur la platine du microscope tout ce qui pouvait être observé, des gouttes d’eau prises n’importe où, des insectes, des fleurs, etc. Je me souviens aussi avoir réalisé une monture équatoriale pour la lunette avec les pièces de mécano héritées de mon père et complétées par les cadeaux de Noël ! C’est à cette époque également que l’on m’a offert le très beau livre de Camille Flammarion intitulé L’Astronomie populaire. J’ai alors commencé à délaisser les matières « ordinaires » de l’école pour me consacrer à l’observation de la lune et des étoiles. Mon instituteur, que je remercie encore, semblait avoir compris que si je ne m’intéressais pas beaucoup aux cours (en fait, je m’ennuyais à l’école), je ne restais cependant pas inactif. Un jour, je suis arrivé en classe sans avoir fait mes devoirs. Il m’a demandé pourquoi. J’ai alors sorti de mon cartable un plan de 2m de long réalisé avec des feuilles de papier millimétré collées les unes aux autres avec du scotch. Et ce que j’avais dessiné dessus à l’encre de Chine, c’était... le plan très détaillé d’un gigantesque vaisseau interplanétaire. Il y avait une nomenclature précisant comment devaient être réalisés les compartiments de vie pour l’équipage, l’instrumentation et l’observatoire, les parties techniques et les propulseurs. Toute la classe détourna son attention du maître pour admirer mon vaisseau. Mon instituteur me demanda alors comment fonctionnaient les moteurs qui se terminaient par un incroyable projecteur en forme d’immense parabole. Je lui répondis que c’était un moteur photonique émettant un très puissant faisceau de lumière. Cet homme ne m’a jamais puni de ne pas avoir fait mes devoirs. Je le revois encore montrant à toute la classe le plan de mon vaisseau, en expliquant ce qu’étaient planètes et étoiles et pourquoi on pouvait imaginer que des êtres comme nous existaient peut-être ailleurs dans l’univers.

Cinquante ans plus tard, quand j’ai posé les premières pierres de Polynesia, j’ai ressorti de ma mémoire une idée d’enfance. Les gigantesques vaisseaux-lumière du 51ième siècle sont propulsés par de fantastiques propulseurs photoniques les faisant ressembler de loin à de petites étoiles.