De l’île de Ré à l’université

Une entrée non prévue dans l’enseignement supérieur

À la fin des années soixante j’étais élève professeur aux IPES de Paris. J’étais donc, a priori, destiné à devenir prof de physique dans un lycée et je préparais le CAPES. À cette époque où je terminais une maîtrise de physique théorique, j’étais passionné de pédagogie car si je suivais un certificat de « physique atomique et nucléaire », je suivais aussi comme option un certificat « d’épistémologie et de didactiques des disciplines scientifiques ». J’adorais préparer, plus que nécessaire, des posters illustrant les cours que chaque élève professeur faisait régulièrement devant les autres élèves, et qui étaient ensuite commentés par les « vrais » profs. Je mettais tant de cœur dans ces préparations que le bruit courait dans le petit groupe d’élèves que si un seul membre du groupe devait avoir le CAPES, ce serait moi ! Il ne faut jamais dire une chose pareille avant un concours, car évidemment je n’ai pas eu le CAPES… Et heureusement, parce que je n’aurais peut être pas eu la chance, quelques années plus tard, de faire de la recherche dans des domaines aussi passionnants que « l’analyse et l’interprétation d’images » ou « l’intelligence artificielle ».

Les élèves professeurs, déjà recrutés sur concours, étaient dispensés de l’écrit du CAPES et ils ne passaient que l’oral. Me voici donc devant un jury avec, pour épreuve, de faire un cours de cinématique debout au tableau. Lors de ma démonstration, je constate qu’aucun des membres du jury ne me regarde. Ils discutent entre eux tout en remplissant des formulaires… À un moment, un peu agacé tout de même, j’ose dire : « Excusez-moi, mais pourquoi ne regardez-vous pas ce que je fais ?  ». J’ai eu 11,5/20, il fallait 12 pour être reçu !...

Quelques mois plus tard, je me retrouve en vacances à l’île de Ré. Sur la plage de Gros Joncs, je rencontre un étudiant comme moi que je connais vaguement. Nous échangeons quelques idées sur notre avenir. Je lui dis que je songe à repasser le CAPES, il m’annonce qu’il est convoqué pour un examen d’embauche, plus précisément pour un poste d’assistant au département de Génie Électrique de l’IUT de l’Université Paris XII – Créteil. Je suis surpris de l’entendre dire qu’enseigner devant des étudiants à l’université lui fait peur, et il ajoute : « Pourquoi tu n’irais pas à ma place ?  »

Quelques semaines plus tard, je suis dans le bureau du directeur du département Génie Électrique. J’explique que je ne suis pas celui qu’il attend et pourquoi. Il m’écoute. Il est convaincu par mes arguments et me propose un poste de stagiaire avec une transformation en poste de titulaire si au bout d’un an je fais l’affaire. J’entre comme enseignant-chercheur à l’université. Convaincu que je dois m’impliquer en recherche parallèlement à mes enseignements, je passe un DEA « d’Electronique et de Physique des particules » et cinq ans plus tard je soutiens une thèse sur la réalisation d’un calculateur rapide et deviens docteur en électronique. Par ailleurs, en 1986, après des travaux en Analyse d’images et Reconnaissance des formes, j’obtiens le grade de docteur d’État en Informatique.