Péripétie d’une édition

ou, si j’osais, je dirais comme Pasteur :
« La chance ne favorise que les esprits préparés »
ou encore :
« Histoire tenace traversée trois fois par le hasard »

Je me suis interrogé sur la manière de présenter cette rubrique. Fallait-il « tout » dire ? Être au plus près des faits tels qu’ils se sont réellement déroulés ? Être le plus honnête possible avec soi-même, avec les éditeurs, avec les fans et les autres ? En définitive, c’est ce que j’ai choisi de faire, sans complaisance ni fausse modestie, comme si j’étais le « reporter » de ma propre histoire, même si cette entreprise risquait d’être jugée prétentieuse, futile, voire un rien mégalo… mais comme dirait Ta’aroa : « C’est ainsi. »

En juin 1999, je quitte l’Université de La Rochelle pour intégrer en septembre de la même année l’Université de la Polynésie française en tant que professeur des universités en informatique. Ma femme, Monique, me rejoint en mars 2000 à Tahiti. Notre bateau, qui était en construction aux Sables d’Olonne, arrive par cargo à Papeete en juin. C’est en août de la même année que pour la première fois nous quittons Tahiti pour rejoindre les Iles Sous-le-Vent avec notre voilier, le Toa Marama.

Je me souviens très bien que c’est en découvrant l’île de Taha’a, juste avant Bora Bora, et particulièrement en entrant à la voile dans le lagon par la très belle passe Toahotu, encadrée de ses deux magnifiques motu, que le déclic s’est produit. Parce que le Toa Marama quittait la puissance parfois agressive du Pacifique pour soudain pénétrer le calme de l’un des plus beaux lagons de Polynésie, j’ai pris conscience de la difficulté que les anciens Polynésiens avaient dû rencontrer avec leurs vaisseaux. Car enfin, il y a eu forcément des premiers. Le grand Océan est souvent difficile ; trouver les passes et les prendre évidemment sans moteur, ni instruments, ni cartes, devaient être très périlleux. Ils sont donc partis un jour à la recherche de l’île rêvée, vers le soleil levant, avec de grandes pirogues doubles. Sur la longue route à travers le grand Océan ils n’avaient pour seuls guides que le soleil, les étoiles, quelques oiseaux ici ou là, et peut-être le signe ô combien dérisoire d’une noix de coco à la dérive portant un fol espoir, celui d’une terre proche mais cependant invisible… C’est là que j’ai commencé à réfléchir à la formidable épopée qu’avait représentée pendant des millénaires la conquête du Pacifique par un peuple de grands navigateurs, ancêtres des Polynésiens d’aujourd’hui.

De cette première croisière dans les îles, j’ai gardé le souvenir d’un émerveillement continu. Les îles des mers du sud existent bel et bien. Il suffit, pour s’en assurer, de prendre le temps de les découvrir et de les découvrir à la voile.

Et puis, je me suis intéressé aux livres locaux évoquant l’histoire des Anciens, mêlant approches historiques et/ou anthropologiques, voire mythes et légendes comme le fameux livre de Teuira Henry « Mythes Tahitiens ».

Ainsi est né un premier texte de 300 pages, «  Le chemin d’étoiles  ». A la fois livre de bord du Toa Marama dans les îles et réflexions sur les premiers navigateurs du Pacifique, mais également récit liant étroitement passé et présent dans une vision onirique.

Je sais très bien qu’à cette époque j’avais déjà choisi de montrer les aspects merveilleux de la Polynésie. C’était un choix volontaire qui risquait d’être critiqué, car tellement rebattu dans de multiples approches idylliques du type « Nouvelle Cythère ». Par opposition, on trouve à Tahiti de nombreux ouvrages dénonçant la pauvreté de certaines couches de la population ou le naufrage de rêveurs ayant perdu leurs illusions, victimes désabusées d’une sorte d’utopie insulaire à la dérive. Bref, en ce qui me concerne, j’avais ressenti un tel bonheur à la barre de mon voilier avec ma femme comme second à mes côtés que je n’étais pas disposé à tomber dans ce travers très contemporain de tout critiquer systématiquement, de tout voir en noir en prétendant que la « réalité » est à l’évidence triste et médiocre. Le chemin d’étoiles avait été écrit pour rêver. Loin de moi l’idée de faire un reportage sur la misère du monde, laquelle existe malheureusement aussi dans les îles et ne manque pas de narrateurs.

J’ai présenté Le chemin d’étoiles à un éditeur de Tahiti. Je lui ai fait part d’une idée qui m’était venue : celle d’ajouter aux deux temps passé/présent une période futuriste, qui établirait de manière romanesque un parallèle entre la conquête du Pacifique par les anciens Polynésiens et ce que pourrait être la conquête des étoiles par les hommes du futur. Il a déclaré être très intéressé (sic) et il a eu cette phrase : « C’est une excellente idée ! Vous me faites ça pour quand ? »

C’est ainsi qu’est né en 2003 un deuxième livre «  Mosaïques  » mélangeant cette fois trois temps : passé, présent, futur, dans une fresque clairement embellie de la navigation à bord des grandes pirogues océaniennes d’il y a 2000 ans, du voilier Toa Marama d’aujourd’hui et des vaisseaux d’un futur éloigné de 3000 ans. Je suis retourné voir le premier éditeur qui m’a alors dit que ça ne l’intéressait plus !

Par hasard chez l’ophtalmo !

Quelque temps plus tard, alors que je me trouve dans une salle d’attente de l’hôpital de Papeete pour un examen ophtalmologique de routine, j’entame la conversation avec ma voisine, une popa’a (occidentale). Elle me parle d’un livre qu’elle a écrit : Une vie d’exception aux Tuamotu, je lui parle de Mosaïques . Elle m’apprend qu’elle est la femme d’un éditeur de Tahiti... C’est ainsi que je ferai la connaissance d’Emmanuel Deschamps des éditions « Le Motu  ».

Les premières questions d’Emmanuel sont : « Votre livre, est-ce que c’est un pavé ? » « Est-ce que ça peut faire un film ? » Mes réponses et sa lecture personnelle du manuscrit ont été convaincantes puisque très vite un contrat sera signé. Les 900 pages de Mosaïques seront réduites à 700, et la première édition Polynesia – L’Odyssée d’un rêve verra le jour fin 2005 à Tahiti.

En 2006, le livre est largement diffusé en Polynésie, un peu en Nouvelle Calédonie, et bénéficie d’une assez bonne publicité : La Dépêche de Tahiti, Les Nouvelles de Tahiti, Le Toere, Tahiti Presse, Journal télévisé de RFO de Tahiti, Tahiti-Pacifique Magazine, Tiki Mag, Tahiti Business, Fenua Info, Fenua TV … Télé 7 jours Nouvelle Calédonie, Le Gratuit, Les Nouvelles Calédoniennes, Journal télévisé de RFO de Nouméa.

Merci Emmanuel pour cette première édition tahitienne de Polynesia, même si l’idée du film est restée à l’état... d’idée !

Cependant – est-ce le lot des livres édités à Tahiti ? – Polynesia reste quasiment inconnu en métropole, même si certains médias évoquent sa sortie comme : Ciel et Espaces, Voiles et Voiliers, Sciences et Vie, Sud-Ouest, Radio France International, Le Salon du livre de Paris.

C’est à cette époque qu’un petit groupe de fans de Polynesia se forme à Tahiti. Ce sont tous soit des lecteurs assidus de romans et/ou soit des professionnels gravitant autour des métiers du livre ou de la communication. Ils sont tous devenus des amis. Deux d’entre eux, Patrick et Delphine, joueront même un rôle considérable … J’en reparlerai un peu plus loin.

Par hasard, un Canadien en vacances à Bora Bora !

En 2007, un éditeur du Canada (Éditions Sivori) spécialisé dans les livres scolaires passe à Bora Bora. Il trouve Polynesia – L’Odysée d’un rêve dans la seule Maison de presse-librairie de l’île. De retour à Toronto, il le lit avec enthousiasme et comme il a déjà pensé à se lancer dans la publication de romans, il décide de le publier dans une collection qui portera le nom de « Collection des explorateurs ». Il prend alors contact avec les éditions « Le Motu » ainsi qu’avec moi. Il vient à Tahiti spécialement pour nous rencontrer et achète les droits pour une deuxième édition en Amérique du Nord. Emporté par le projet, il n’hésite pas à déclarer : « Polynesia décollera en Amérique et dans toutes les langues de l’Amérique, c’est mon pari ! » C’est le genre de phrase qui ne peut que flatter l’auteur et le faire rêver, sauf que…

Je revois entièrement mon texte en collaboration soutenue avec ma femme, professeur de lettres dont l’aide et les conseils me sont précieux. Le livre est amélioré, allégé (100 pages sautent !), rendu plus fluide et plus dynamique. C’est ainsi qu’en 2008 paraît Polynesia – AngKor, les mystères du temps . Cependant, très vite il faudra se rendre à l’évidence. Malgré son énergie et sa passion, Philippe Porée-Kurrer se heurte aux réseaux locaux des distributeurs canadiens qui – si j’ai bien compris – ne veulent pas voir un éditeur spécialisé dans les livres scolaires pénétrer la chasse gardée des éditeurs de romans… enfin quelque chose de ce genre. Bref, ce deuxième livre ne sera jamais diffusé au Canada. Merci quand même, Philippe, d’avoir cru en Polynesia.

Ayant en septembre 2007 cessé toute activité professionnelle, je peux désormais me consacrer à la rédaction de la suite de Polynesia.

Par hasard, une rencontre à un anniversaire de mariage !

En 2008, ma femme et moi sommes invités dans l’île de Ré à l’anniversaire des 40 ans de mariage d’un couple d’amis rochelais. Il y a là beaucoup de monde, dont Raphaël Sorin, à l’époque conseiller éditorial aux éditions Buchet-Chastel. J’apprends qu’il a eu connaissance de la 1ère édition. Sa femme l’a achetée à Paris dans l’une des librairies où l’on pouvait le trouver, pour l’envoyer à nos amis qui fêtent justement leur anniversaire de mariage ! Raphaël Sorin, remarquant à juste titre que la diffusion de ce premier livre a été « confidentielle » en France, me laisse entendre qu’il serait intéressé pour « reprendre l’affaire ». Et pas seulement pour le premier livre, mais aussi pour la suite que je suis en train d’écrire.

En mars 2009, j’ai terminé la rédaction des tomes II et III et suis en mesure de présenter l’ensemble de Polynesia, soit plus de 2000 pages. C’est alors le premier rendez-vous avec Raphaël, dans la maison d’édition Buchet-Chastel, rue des Canettes à Paris. Le livre 1 et les deux manuscrits seront évidemment lus et en juin 2009, je serai réveillé à Tahiti en milieu de nuit (décalage horaire avec Paris) par Raphaël m’annonçant que les livres ont passé avec succès l’épreuve des lectures, qu’ils sont a priori considérés comme aboutis et acceptés tels quels. La publication des trois tomes est envisagée pour 2010.

Un hasard de trop !

Alors que l’éditeur Buchet-Chastel vient de me confirmer qu’il va publier la trilogie, une autre maison d’édition parisienne et pas des moindres, les éditions Denoël, se dit également intéressée. Il se trouve que notre amie Hélène, libraire à Tahiti et fan du livre, avait emporté avec elle sur le Salon du livre de Paris de mars un exemplaire de l’édition du Canada au cas où... Ce « cas où », ce fut sa rencontre fortuite avec un directeur de collection de chez Denoël. A peine 3 mois après, je recevrai un mail de l’assistante de ce directeur de collection qui, emballée par le tome I, souhaite lire les tomes 2 et 3 au plus vite… Mais les choses sont si avancées avec Buchet-Chastel que c’est avec eux que tout va se faire. Je ne donnerai donc pas suite à la sollicitation de cette seconde maison arrivée trop tard, et cela malgré son importance.

La trilogie

Les droits du premier livre seront rachetés aux deux premiers éditeurs de Tahiti et du Canada. Les trois contrats seront sont donc signés avec Buchet-Chastel en octobre 2009. Dernières corrections, les graphistes de l’éditeur s’efforcent de créer de splendides couvertures, etc. La trilogie voit le jour en 2010 :

Polynesia – Les Mystères du temps , est en librairie le 1er avril,
Polynesia – L’invasion des formes , le 10 juin
Polynesia – Le Pouvoir des signes , le 21 octobre.

Grand merci, Raphaël, pour ton soutien essentiel et constant dans l’émergence de Polynesia.

Juste avant la sortie du premier tome, l’éditeur m’encourage à créer un blog d’auteur, qui aujourd’hui renvoie sur le site de Polynesia.

Parallèlement, le responsable média numérique de Buchet-Chastel crée une fan page pour Polynesia sur Facebook :

http://www.facebook.com/pages/Polynesia-de-Jean-Pierre-Bonnefoy/102233729815769

A la sortie de la trilogie à Tahiti, Patrick Seurot, directeur de l’agence de communication Pom’Z Médias et sa femme Delphine infographiste, tous les deux appartenant à ce petit club de fans et d’amis cité plus haut, me font une proposition tout aussi extraordinaire qu’inattendue. Ce qu’ils envisagent, c’est de lancer une campagne de promotion de Polynesia à Tahiti ! Après quelques hésitations dues à l’ampleur de ce qu’ils imaginent, je finis par accepter. Quel auteur refuserait de se voir aidé avec autant d’énergie, de passion et d’amitié ?

C’est également à leur initiative qu’aujourd’hui le blog originel a été remplacé par deux sites web, l’un concernant la trilogie, l’autre l’auteur :

http://www.polynesia-trilogie.com
http://www.jeanpierrebonnefoy.com

Patrick est peu à peu devenu mon conseiller, s’occupant de prendre pour moi des contacts, organisant des rendez-vous… C’est comme s’il était maintenant une sorte d’agent.

Merci à tous les fans, avec une mention spéciale pour Patrick et Delphine, sans oublier Hélène et Arnaud.

Une quatrième édition …

En 2009, juste avant la signature des trois contrats avec Buchet-Chastel, j’apprendrai que deux lecteurs d’une grande maison d’édition de poche de Paris ont lu les trois tomes de Polynesia. Vu l’emballement de ces deux lecteurs, cette maison, la quatrième donc, s’est tout de suite engagée par contrat avec Buchet-Chastel pour une autre édition de Polynesia en livres de poche…

L’aventure continue avec les éditions POCKET.

Les trois tomes sortent en 2012.

  • le tome 1 le 26 avril
  • le tome 2 le 12 juillet
  • et le tome 3 en octobre